élections du Slogan du Jour

- vote à double entrée indicateur d'ambiance -

 

 

Le contexte

Les élections du Slogan du Jour ont été réalisées dans les locaux strasbourgeois de la chaîne de télévision Arte. J'intervenais sur l'invitation du comité d'entreprise d'Arte G.E.I.E. dans le cadre du projet d'Interim – Dispersion contrôlée, une semaine de ruche en réseau – qui consistait à réaliser une série d'interventions artistiques pour les employés d'Arte. L'ensemble du travail a été réalisé sur une durée de quinze jours, une semaine de préparation sur place, et une semaine d'intervention.

 

Principe

Il s'agissait pour les employés d'Arte d'élire le Slogan du Jour, lequel serait affiché le lendemain matin à l'entrée de l'entreprise.
J'avais installé un bureau de vote à l'entrée de la cantine, près du bar du personnel, à la fois lieu des pauses et passage obligé vers la cantine. Le vote se tenait entre 10h et 14h.
Chaque jour, j'établissais une liste de mots en fonction d'un thème choisi, ainsi qu'une structure grammaticale binaire, une sorte de squelette de slogan.
Le vote consistait à remplacer les vides [A] et [B] par un des mots de la liste, de manière à écrire un slogan.

Exemple : le vote du lundi 09 Juin.
La structure : Pas de [A] sans [B] (comme dans « Pas de devoirs sans droits »)
Le thème : la communication
La liste des mots : dialogue, rumeur, secret, expression, mensonge, blagues, polémique, commérages, silence, monologue, émotion, contradiction, transmission, réplique, dissimulation.
Slogan élu : Pas de dialogue sans dissimulation.

Le lendemain matin, le slogan élu était affiché à l'entrée de l'entreprise.

Entre 80 et 100 personnes votaient chaque jour sur les 300 en moyenne qui fréquentent la cantine.

 

Enjeux du travail

Mont but en réalisant ce projet était de permettre l'expression d'un état d'esprit régnant au sein de l'entreprise, d'être le révélateur d'une certaine atmosphère. Aussi j'ai conçu un système souple qui puisse produire :
• soit des sortes de devises à valeur proverbiale (participant à la motivation quotidienne des employés),
• soit des slogans revendicatifs (aidant à l'expression publique des tensions),
• soit des formes idiotes, absurdes et/ou poétiques (aidant à s'amuser un peu).

Outre les qualités littéraires tout à fait oulipiennes des slogans produits, l'ensemble du projet - via l'organisation d'élections démocratiques - pose d'emblée la question de la collectivité, de l'expression majoritaire moyenne et de ses limites, du politique en particulier (à Arte) et en général (le système démocratique).
Il faut également noter la nature légèrement perverse du dispositif qui fait que l'on ne votait pas pour un ensemble cohérent, mais pour sa partie A et sa partie B, séparément, ce qui risquait évidement de conduire à des contresens ou des absurdités, ainsi qu'à une certaine frustration.

La difficulté la plus importante que j'ai rencontrée fut d'observer la plus grande neutralité possible, notamment au moment d'établir la liste des mots candidats (on m'a, malgré mes efforts reproché une certaine partialité en faveur du CE, notamment après le vote concernant les ressources humaines).
De même, sachant que le déni de légitimité du vote serait la première attaque à subir en cas de conflit sur les résultats, j'ai observé la plus stricte rigueur lors de la tenue du scrutin : tenue d'un registre des votants, dépouillements public et transparent, concordance du nombre de votants, du nombre de bulletins et compteurs d'ouverture des urnes. Aucune irrégularité n'a été constatée.

Bilinguisme

Le bilinguisme franco-allemand est une réalité d'Arte, comme chaîne de télévision et comme entreprise. Aussi était-il important de tenir le vote dans les deux langues. Les mots étaient disponibles en français et en allemand, cependant ils étaient comptabilisés séparément, ce qui produisait donc deux slogans. Il était assez intéressant d'observer les différences de résultat en fonction des langues. (Merci à Till Roeskens pour sa patience et sa créativité lors du travail de traduction)